Je partage avec vous les conclusions d'une réflexion entamée il y a quelques mois déjà, une réflexion qui s'est construite peu à peu, au fil de mes discussions avec des invités de «Ça va aller loin», l’émission que j’anime au 98.5 FM, et en privé, avec des personnes devenues sobres depuis un petit bout. À ces échanges s’ajoutaient les conclusions d’études de plus en plus nombreuses faisant état des effets négatifs de l'alcool sur la santé physique et mentale et le visionnement du documentaire «Péter la balloune». On dirait que je n’avais plus le choix. La réalité me rentrait dedans comme une tonne de briques : je devais essayer d’arrêter d’alcool.
J'ai toujours aimé boire. Pas seulement pour l'effet, mais pour toute la culture et la socialisation qui vient avec. Mais plus je me renseigne sur cette substance, plus j'ai l'impression de faire partie d'un grand mensonge collectif. Ce que je pensais bon pour moi, ce que je buvais pour relaxer et me détendre, vivre un peu, avoir l'impression de faire partie de quelque chose, est peut-être, en fait, un poison?
Plus je me renseigne sur cette substance, plus j'ai l'impression de faire partie d'un grand mensonge collectif.
Une histoire d’amour-haine
Je viens d'une famille où on buvait du vin au souper et où était bien présente cette idée selon laquelle «quand on mange du bon manger, ça prend une bonne bouteille de vin pour rincer tout ça». Mon père était un alcoolique, mais un alcoolique très fonctionnel, alors on n'en faisait pas de cas même si ça venait avec une grande violence psychologique. Ma mère et moi vivions au rythme effréné des beuveries du bonhomme, dans la crainte perpétuelle de ses accès de colère. Il n’est pas exagéré de dire que nous étions en état d’hypervigilance 24 heures sur 24. C’était excessivement lourd et l’idée de m’échapper de cette ambiance toxique a commencé à me hanter très tôt.
Je pense que la première fois que j'ai bu de l’alcool, vers l'âge de 12-13 ans, c'était pour oublier toute cette violence et ce climat toxique dans lequel - sans mauvais jeu de mots - je baignais dans mon quotidien. C’était dans le sous-sol de mon amie France-Hélène, à Laterrière, une petite ville du Saguenay Lac St-Jean. On s’était organisé pour trouver un dépanneur où ça ne cartait pas, pis on s’étais acheté un six pack de Molson XXX. On se sacrait bien du goût. Ce qu’on voulait, c’était la bière avec le taux d’alcool le plus élevé possible. J’ai callé les trois bouteilles qui m’étais octroyée en moins d’une heure. Évidemment, on était saoules comme des bottes et la mère de mon amie nous a pognées. Après nous avoir fait un sermont, elle a quand même promis de ne pas en parler à mes parents, à condition qu’on ne recommence plus. Ce qu’elle ne savait pas, la mère de France-Hélène, c’est que je venais de découvrir l’ivresse. Et même si je n’aimais pas le goût de la bière, j’appréciais au plus haut point ses effets.
Je ne vais pas m'étendre sur mon adolescence sous l’emprise des drogues et de l’alcool parce que j’ai déjà tout raconté ça dans un livre dont on a tiré un film, mais disons que ces substances ont été pour moi une porte de sortie vers une existence où je pouvais oublier toute la marde que je vivais au domicile familiale, une marde telle que j’ai eu besoin de me geler la face à peu près tous les jours de ma vie jusqu’au début de ma vingtaine.
La vingtaine, donc, ce moment où je m'étais supposément défait de toutes mes addictions malsaines. Je travaillais dans les bars et les restaurants. Ça venait, évidemment, avec une certaine consommation d’alcool dissimulée sous le couvert de la connaissance. J’ai appris à servir le vin, à connaître les cépages et à pouvoir en décrire la robe comme un poème. Même après avoir quitté le milieu de la restauration, j'ai continué à boire du vin en mangeant et en cuisinant parce que pour moi, c’était indispensable. Je voyais même ça comme une certaine forme de sophistication. Boire du vin, du bon vin, c’était faire partie d’une certaine élite, celles des «foodies» et du monde qui l’ont l’affaire. En plus, comme je raconte des histoires dans la vie, j'aimais m’en faire raconter sur les producteurs que j’affectionnais et sur leurs délicieux nectars. Je trouve encore ça beau, ces récits-là, et j'ai l'intime conviction que ces histoires sont intimement liées à notre identité et à celle de ceux qui produisent les vins natures que j’affectionnais particulièrement.
Il y avait le vin, certes, mais il y avait aussi plein d’autres affaires. Rien de mieux que de boire un martini à l'apéro. C'est délicieux. Là aussi, il y a toute une histoire liée à ce cocktail. Et, comme une espèce de Bond girl des pauvres, j'aimais bien avoir l'impression d'en faire partie. Même affaire pour le scotch. Avoir l’impression de boire comme les hommes. C’est ce que je ressentais. C’est tellement ridicule quand on y pense, la représentation parfaite d’un patriarcat internalisé. D’ailleurs, l’autrice Holly Whitaker explique très bien cette dynamique dans son essai «Quit Like a Woman», que je vous invite à lire.
…une marde telle que j’ai eu besoin de me geler la face à peu près tous les jours de ma vie jusqu’au début de ma vingtaine.
Sommes-nous entrain de vivre le «moment cigarette» de l’alcool?
Je reviens à ma fameuse prise de conscience. Depuis quelques temps, des mois je dirais, je ne me sentais plus bien après avoir bu de l'alcool. Je pense aux liens avec le cancer et à la façon dont on vendait la cigarette aux gens, dans les années 70. Ceux qui était nés à cette époque se rappelle des publicités, où on pouvait voir des médecins expliquer que fumer, ce n’était pas dangereux. Il énumérait même les bénéfices de la cigarette. Ça ne vous rappelle pas quelque chose? Le vin, c’est bon pour la santé cardio-vasculaire. Le vin, c’est un relaxant. Et là, on est en train de se rendre compte que ce n’est vraiment pas si vrai que ça et que même une petite consommation d’alcool peut avoir des effets néfastes. Cependant, toutes ces infos ne suffisaient pas à me faire arrêter. Un peu comme les fumeurs, je préférais le déni et mon verre de vin m’aidait ironiquement à oublier tout ça.
sauf que j'ai remarqué que mon anxiété grimpait dans le tapis quand je buvais, que je remettais ma vie en question et que je n'étais plus motivée par rien le lendemain. Je nageais dans un espèce de brouillard mental qui me déplaisais. En premier, je me suis dit que j'avais juste à boire moins. De cette façon, je n'expérimenterais pas les effets sournois des soirs d'abus. Sauf que je me suis rendue compte que je vivais quand même des effets négatifs, et ce même quand je buvais juste 2 verres de vin.
…je suis terrorisée parce que je me suis rendue compte que beaucoup des activités que j'aime faire tournent autours de l'alcool. Et si je trouvais ça plate la sobriété?
Et là, je me suis mise à me demander pourquoi je buvais si la liste des contres dépassait désormais la liste des pours. J'ai donc décidé, pendant le temps des fêtes, d'arrêter de boire de l'alcool pendant un an. Ce n'est pas une religion et si j'échoue, j'échouerai, mais je suis vraiment décidée à découvrir qui je suis, moi, sans alcool. J'ai envie d'essayer de vivre autrement, de voir ce que ça me fait et d'expérimenter l'existence à jeun. Je ne vous mentirai pas, je trouve ça un peu vertigineux. Ça me fait peur. Vraiment très peur. En fait, je suis terrorisée parce que je me suis rendue compte que beaucoup des activités que j'aime faire tournent autours de l'alcool. Et si je trouvais ça plate la sobriété? Je sais, c'est mon cerveau qui me joue des tours. Il est, en quelque sorte, accro à l'alcool. Je vais essayer de ne pas l'écouter.
Parce qu'après deux semaines, les bienfaits de cette pause se font déjà sentir : meilleure humeur, baisse de l'anxiété +++, plus belle peau, dégonflage généralisé, meilleur sommeil. Pourquoi je vous raconte ça ? Je me dis que si je partage mon défi publiquement, ça devient encore plus «vrai». Et aussi pour qu'on s'encourage. Je sais que je ne suis pas seule à avoir ce type de réflexion en ce moment. Alors je me disais que d'en parler pouvait peut-être la petite impulsion qui fera en sorte que certains et certaines auront eux aussi envie de découvrir qui ils sont sans alcool.
Je vais donc partager ici comment ça se passe, cette pause d’alcool. Je peux tout de suite vous dire que je trouve ça plus difficile que je pensais. Je ne suis pas retournée au restaurant et je n’ai pas été souper avec des amis-es qui consomment de l’alcool. Je redoute quand même un peu ce moment. Pour l’instant, je ne me sens pas prête. Et je trouve que le réflexe de boire de l’alcool quand je veux me détendre ou si je suis stressée est encore tellement présent. Je cherche à comprendre pourquoi j’aime autant boire et qu’est-ce que ça cache. Affronter l’existence et mes émotions à jeun, je n’ai jamais vécu ça. Et c’est épeurant. Mais travaille là-dessus. Un jour à la fois, comme ils disent.
PS Ça se peut que j’écrive sur d’autres choses que mon expérience sans alcool. C’est fort probable, même. J’essaie des affaires ici. Ce sera quelque chose comme un petit labo d’écriture.
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Ça fait 1 an et demi que j'ai arrêté, sensiblement pour les mêmes raisons et de la même façon, une pose d'une semaine qui est devenue une mois et ainsi de suite. Ce n'est pas toujours facile, c'est une habitude bien ancrée, mais ça vaut le coût.
Être sobre est vraiment une excellente idée personnellement je vois extrêmement peu de part l’impact que l’alcool a eu sur des membres de ma famille alors je trouve la démarche super